Nana Sidibé : « Je porte le Mali dans mon cœur »

Athlète polyvalente semi-professionnel de volley-ball, Nana Sidibé (30 ans), est un internationale malienne, qui évolue actuellement avec le CSM Clamart Volley-ball. Dans cet entretien accordé à Reference14sport, elle est revenu sur le cas des binationaux qui veulent rejoindre les rangs des Aigles Dames du Mali, mais elle a aussi évoqué les différents maux du volley-ball malien, tout en préconisant des solutions.

Entretien.

Que pensez-vous du volley-ball malien ?

Au jour d’aujourd’hui, le volley-ball malien continue de se développer de la meilleure façon, avec les moyens qu’il peut avoir notamment avec l’arrivée du nouveau ministre (Mossa Ag Attaher). Il y’a eu beaucoup de changement, notamment au niveau des garçons, qui ont eu l’opportunité de participer aux Jeux Africains. Donc, c’est une très bonne chose, c’est un nouveau pas dans l’évolution du développement du volley-ball malien. Contrairement à la partie féminine où il y a un problème qui est différent de celui des hommes, avec tous les préjugés qu’on peut avoir au niveau des femmes. Donc, ça reste un peu compliqué pour le développement du volley-ball malien féminin. Quant au volley-ball masculin,  il évolue plutôt pas mal.

Quel a été votre parcours de volleyeuse ?

Il faut savoir que j’ai commencé le volley à l’âge de 11 ans, parce que ma grande sœur en faisait. En France, arriver au collège nous avons des sections sportives, donc au sein de mon collège il y’avait la section volley où on payait une cotisation pour 2 fois par semaine de 2 heures de temps d’entraînement et les matchs chaque mercredi. En plus de ça, j’étais inscrite en club où j’avais également 2 fois par semaine 2 heures d’entraînement et match le week-end. Donc, j’avais une semaine complète de volley-ball entraînement et le week-end match à l’issue de ça, j’étais dans la catégorie élite.

j’ai eu l’opportunité de faire partir de l’équipe du département de l’Essonne (Région de l’ Île-de-France), d’être sélectionnée par le département et jouée pour ma région au niveau national, donc ça été une grosse fierté. Par la suite, j’évoluais dans des clubs niveau national où j’avais 2 à 3 fois des entraînements et des matchs en week-end, assez de déplacements au niveau national que ça soit Rennes dans le sud, dans le nord, à Brest, à Lille… Vraiment un peu partout dans la France, ça été une expérience très enrichissante à savoir aussi ce qui m’a donné cette adrénaline du volley-ball, c’était en fait un dépassement de soi et j’aimais bien me retrouver avec mes copines, s’entraîner, rigoler, s’amuser sachant que quand on est jeune, on n’a pas les mêmes priorités.

En étant jeunes, nous sommes là pour s’amuser, pour prendre du plaisir et aussi le goût du challenge, aimé gagner, avoir des victoires. C’était vraiment du dépassement de soi, ça forgé en moi quelque chose que j’ai toujours parce que le sport est très formateur, très puissant pour l’être humain et moi j’ai beaucoup appris à travers le sport, qui m’a beaucoup éduqué.

Les clubs par lesquels je suis passé, comme club formateur j’ai connu l’AVBVY où j’ai commencé dès l’âge de 11 ans et passé près de 6 ans là-bas. Ensuite, je suis passé par l’AS Moulin volley-ball (niveau national 3) qui était un très gros club français où il y’avait une section pro A féminine. Après, j’ai mis le cap sur CNM Charenton volley-ball et actuellement je suis au CSM Clamart Volley-ball. Ces clubs sont considérés comme les 4 grands clubs francs connus au niveau féminin.

Parlez-nous un peu de vos origines maliennes, si vous partez souvent à Bamako ou au village, nous voudrions en savoir un peu plus.

Je suis d’origine malienne 100%, ma mère est malienne, mon père est malien. Depuis que nous sommes tout petits, tous les ans nous partons au Mali. Donc, je connaissais bien le Mali, je n’ai pas attendu d’être sélectionnée avant de me rendre au Mali. Je connaissais le Mali depuis toute petite. J’ai pas mal de famille là-bas que ça soit à Missira, à Faladiè Sema, à Bako Djicoroni ACI, à Niamana (quartiers de Bamako), un peu partout. Mon père est soninké et ma mère est bambara, mais en fait nous sommes d’ethnie peulh 100% parce que mon père est Sidibé (Kayes, Ouest du Mali) et ma mère est Diallo (Mopti, Centre du Mali). Mais, nous ne parlons pas peulh.

Cela sous-entend que vous comprenez bien le bambara. Peut-on avoir une phrase en bambara et la traduction française ?

Ne togo Nana Sidibé, ne wolo la Franci, ka la mon Franci .Nga, ma faman Mali la. N’fitini man, san wo san ne tou be nan Mali la vacanci la, o de ko so m’be seka bamanankan fo, m’ba mè fanan o keledo. Traduction française: Je suis Nana Sidibé,  je suis née en France, j’ai grandi en France, je n’ai pas oublié le Mali, car quand j’étais petite j’allais tout le temps en vacances au Mali, raison pour laquelle je parle et je comprends le bambara (langue nationale du Mali, officieusement).

Lors de notre entretien avec le président de la Fédération malienne de volley-Ball,  M. Abdramane Dembélé, il a affirmé que le Mali avait fait sensation pour une toute première en obtenant sa première victoire face au Niger et terminant 10ème à la CAN des Hommes. Avec cette performance, tout porte à croire que le volley-ball masculin appris une longueur d’avance sur celui des Dames. Selon vous où se trouve le problème réel du volley-ball féminin ?

Effectivement, cette performance des Hommes est à féliciter, à encourager. La prestation des garçons a été remarquable pour une première fois donc rien à dire bravo à eux. Par contre au niveau des Femmes, ça reste compliqué. Je pense que dans un premier temps, c’est le manque de moyens, raison pour laquelle les Femmes n’avaient pas participé. Le 2ème angle a souligné par rapport aux moyens vu que la Fédération avait un budget, qui a été octroyé aux garçons et pas aux filles, parce qu’ils se sont dit qu’il y’a moins de difficultés chez Homme que chez les Femmes.

Au Mali il y’a des joueuses talentueuses, en France nous avons énormément de joueuses franco-maliennes qui aimeraient jouer avec leur pays. Mais, le manque de budget, d’organisation, faut insister la dessus, c’est le manque d’organisation, on peut pas nous appeler un lundi et nous dit de venir au Mali, le mercredi pour des compétitions internationales c’est pas possible et ce n’est pas respectueux, parce que des joueuses qui évoluent à l’étranger ont des obligations avec leur club, peut-être avec leur travail et même dans leur vie privée.

Donc, on ne peut se permettre d’appeler des joueuses du jour au lendemain. Sinon, le niveau y est c’est juste une question de moyens, d’organisation parce que les joueuses qui ont envies de représenter leur pays, il y’en a, on n’en manque pas de joueuses c’est juste qu’il faut savoir détecter, aller chercher de vraies joueuses qui ont envies de porter le maillot, qui se donneront corps et âme. Il faut aussi que de l’autre côté qu’on est une structure professionnelle engagée et qui respecte les joueuses.

À entendre vos dires, il existe un manque de professionnalisme au niveau de FMVB et un manque de respect à l’endroit des Dames. Question.

Le manque de professionnalisme se situe au niveau des dirigeants de la structure. En ce qui concerne les joueuses, c’est un manque d’encadrement professionnel. Un encadrement qui peut former de la meilleure façon, qui se doit au volley-ball. On prendra un exemple basique, le volley-ball est un sport d’intérieur, mais aujourd’hui au Mali il y’a aucun gymnase destiné à cette discipline à part le gymnase du palais des sports situé à l’ACI qui accueille aussi le basket-ball.

Le volley-ball malien a accès à ce gymnase uniquement dans des grandes compétitions. Les joueuses s’entraînent du coup à l’extérieur avec le soleil alors que le volley-ball est un sport d’intérieur, contrairement au Beach Volley-ball où il n’y a pas de problème. Il faudrait qu’au niveau matériel et structurel qu’on soit équipé, il faut aussi que nos dirigeants soient diplômés d’un certain niveau. On ne peut confier une certaine catégorie à un entraîneur qui n’a pas l’habitude d’entraîner cette catégorie.

Êtes-vous la seule binationale au sein de cette sélection ?

Il y’en a d’autres, comme je l’ai dit en France, nous avons une grosse communauté franco-malienne qui joue au volley-ball et au haut niveau, raison pour laquelle je ne citerais pas leurs noms. Au dernier rassemblement nous avons eu quelques difficultés, ça ne s’est pas passé correctement donc elles se sont un peu retiré, elles ont mis un pas en arrière pour l’instant sur la sélection. Raison pour laquelle, je reviens sur le sujet, il faudra avoir une structure, une organisation correcte.

Contrairement aux autres, vous restez toujours disponible pour la sélection ?

Je reste toujours disponible parce que je porte le Mali dans mon cœur et je sais que nous pouvons faire quelque chose, nous pouvons avoir de très bon résultat mais il y’a un handicap. Je sais que ce handicap sera amélioré. Par contre, il va falloir travailler dur que ça soit pour les membres de la Fédération et autres même nous les joueuses, il va falloir travailler très dur. Donc, si je suis là encore c’est que j’ai envie de faire avancer les choses.

Ces volleyeuses qui évoluent en Europe et particulièrement en France, en connaissez-vous certaines qui sont prêtes à défendre les couleurs du Mali en citant quelques noms ?

J’en connais bien sûr, mais je ne citerais pas leurs noms. Elles sont près de 8 volleyeuses qui sont déterminées à venir, mais faudrait que derrière il est un encadrement comme je l’ai dit tout à l’heure un encadrement, une structure, une organisation correcte.

Quelle est votre actualité en club ?

Nous avons une belle équipe, le temps de s’adapter, le style de jeu était différent de chacune d’entre nous, donc il y’a un temps d’adaptation. Mais, au fur et à mesure en s’accrochant avec détermination aujourd’hui ça va. Nous avons terminé la saison avec un maintien en National 3, donc c’est plutôt pas mal. Pour ma part, au niveau de ma santé ça va juste que j’ai des douleurs au genou, mais ça va. Ça ne m’empêche pas de pratiquer, mais tout doucement en attendant de récupérer correctement.

Vous comptez prolonger avec le Clamart Volley-ball ou changer d’air ?

Je souhaite poursuivre après je suis ouverte à toute autre proposition.

Quelle volleyeuse vous a le plus inspiré ?

Celle qui m’inspirait, c’était mon idole Victor Ravva (ex-internationale française), très très grande volleyeuse et il y a même un dessin animé de volley-ball qu’on regardait Attacker You (Jeanne et Serge).

Avez-vous déjà envisagez l’après carrière ?

Je n’attendrais pas la fin de ma carrière, je suis déjà engagé car j’ai créé mon association qui s’appelle « NIOUMAYA », qui veut dire la bonté en français. Cette association a pour but de promouvoir le sport par des actions, l’éducation, des activités… J’ai déjà fait un don dans un orphelinat au Mali à Badalabougou, j’ai également aussi envoyé des dons de handball à l’AS Police de Bamako, j’ai mis en place des jeux et concours. Actuellement, je récolte encore des vêtements pour aider justement certains clubs, ça arrivera aussi dans le volley-ball où je suis sur quelques projets. Pour dire que j’attends pas la fin de ma carrière pour pouvoir m’engager et aider afin d’améliorer les conditions des joueurs ou des joueuses, donc je suis déjà engagé.

Vos œuvres caritatives s’étendent à d’autres pays ou c’est uniquement qu’au Mali ?

Bientôt elles s’étendront sous d’autres horizons, à d’autres pays notamment en Côte d’Ivoire où j’ai un correspondant. Donc, je peux dire que nous nous déploierons, c’est une question de temps et d’organisation. Il faudrait que je trouve aussi de bons contacts et que je fasse aussi confiance aux bonnes personnes, en fait la création d’une équipe, je ne peux me permettre d’envoyer des affaires comme ça. Vous savez mieux que moi, comment ça se passe en Afrique. Donc, il faut avoir un œil là-dessus avec des personnes de confiance. Ça va s’étendre dans d’autres pays Inch’Allah.

Il s’avère que le Mali manque cruellement d’entraîneurs haut niveau et d’arbitres de volley-ball ?

Le président a tout à faire raison, je le rejoins à ce sujet d’ailleurs je travaille en fait sur un projet qui me permettra d’accompagner des candidats qui souhaitent devenir entraîneurs, coachs sportifs ou autres dans le domaine du sport à se former de la meilleure façon qui se doit en ayant une formation théorique et pratique à la fois.

À la longue est-ce possible de voir Nana Sidibé intégrée la Fédération malienne de volley-ball en tant que cadre ?

Pourquoi pas, si je peux intégrer la FMVB ou même la gestion voir même le ministère des sports, ça sera avec grand plaisir.

Hormis le volley-ball, qui est Nana Sidibé ?

Nana Sidibé est diplômé d’un Master digital e-business et e-commerce. Je suis actuellement responsable opérationnel dans une structure de football, également je suis dans l’associatif avec mon association « NIOUMAYA » et une autre qui a pour but de promouvoir le football féminin, on dira à ce niveau je suis assez engagé. Récemment j’ai obtenu mon diplôme en tant que coach en développement du football féminin en partenariat avec Nike. Donc, je dirai qu’au niveau du sport je suis en pleine formation et développement de mes compétences.

On doit terminer cet entretien, votre message ?

Comme mot de fin, c’est de vous remercier Reference14sport, d’être aussi proche des athlètes, d’être aussi proche des sports qui ne sont pas assez médiatisés pas seulement le football, qui est le sport mondialement connu. Il n’y a pas que le football où il peut avoir des résultats encourageants, mais aussi dans d’autres sports tels que le volley-ball, le judo, la natation, l’athlétisme… donc, je remercie toute l’équipe pour votre engagement, de votre professionnalisme, de votre engouement et l’amour du sport que vous partagez. J’espère échanger avec vous sur d’autres sujets, je reste ouverte.

Par Dramane COULIBALY