Mamadou Camara : «Le Mali s’en fout de ses bons enfants » 

«Nul n’est prophète en son pays», a-t-on coutume de dire. En traversant la méditerranée à l’âge de 16 ans, le natif de Balé, ne s’attendait pas à un destin fabuleux de champion de lutte canarienne sur les côtes ibériques. Mais, nul n’échappe à son destin. À ce jour, il est le seul athlète évoluant au plus haut niveau de cette lutte traditionnelle en Espagne, un peu proche de celle du Sénégal.
Entretien.
Vous venez de quelle partie du Mali et comment vous êtes arrivé en Espagne ?
Je me nomme Mamadou Camara, je suis un marka (soninké). Je viens du village de Balé, mais ma famille est installée à Bamako, plus précisément à Djicoroni-Para. Je suis arrivé en Espagne par la mer en 2008, en ce moment je n’avais que 16 ans. J’ai fait 2 ans d’études dans un centre jusqu’à mes 18 ans. Entre temps, je pratiquais la lutte canarienne, qui n’est pas très différente de la lutte sénégalaise. Il en existe aussi en Chine où nous devons aller bientôt pour des combats.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confronté à votre arrivée, avant de commencer la lutte canarienne ?
Avant de commencer la lutte, vous savez, quand tu quittes chez toi pour venir  en aventure, la première difficulté qu’on rencontre, c’est la barrière linguistique. À notre arrivée nous avons commencé à étudier pour comprendre la langue peu à peu. Après, il y a un problème de papier qui fatigue un peu. Depuis que j’ai eu mon contrat de lutteur aux îles Canaries, cela a facilité beaucoup de chose pour moi, tel que les papiers, le travail… L’autre difficulté, c’est l’adaptation à la Lucha, parce que cette lutte est très difficile.
Aujourd’hui, vous êtes champion par la grâce d’Allah. Comment vous êtes vous vu par les Espagnols, en tant que star africaine  ?
Ce que je peux dire concernant cette lutte… Vous savez, dans la vie quand quelque chose t’est destiné tu ne peux pas échapper. Au départ, nous étions plus d’une trentaine de personnes et vous savez qu’en matière de lutte les sénégalais s’y connaissent vraiment, ainsi que les gambiens. On ne retrouve pas trop cette lutte au Mali. Au Sénégal, il y a un quartier pour ça, même si ce n’est pas le même type de lutte, mais sont similaires. Assez de Sénégalais sont arrivés ici et ont connu le succès. Je suis arrivé tout heureux et je connais aussi le succès. La Lucha est comme pour moi  le football, le basket, le karaté, la boxe pour certains… J’ai eu assez de chance et j’ai été aidé par des personnes pour atteindre ce niveau.  Cette lutte c’est par niveau. Il y a le niveau B et A. Actuellement, je suis au niveau A, le meilleur niveau où aucun immigrant n’a atteint ce niveau jusqu’à présent. J’ai surpris plus d’un parce que les gens ne pensaient pas qu’une personne venue d’un autre pays, pouvait atteindre ce niveau, étant donné que j’ai débuté la Lucha à 16 ans, or les enfants d’ici commencent à partir depuis le bas âge (2 ans , 3 ans, 5 ans…). Comme, je l’avais dit.  Quand tu veux être quelqu’un, donne toi les moyens de l’être. Aujourd’hui, je suis au plus haut niveau de la lutte canarienne c’est-à-dire le niveau A.
Apparemment vous n’êtes pas aussi populaire au Mali…
Je suis malien, mais le  Mali s’en fout de ses bons enfants. Les jeunes maliens évoluent dans plusieurs sports, mais ils sont plus suivis par l’Espagne que par le Mali. Je prends mon cas, je suis très suivi ici. Si vous dites  Mamadou Camara en Espagne, les gens me connaissent. Mais, au Mali personne. Nous avons eu un combat en 2018 où j’ai porté le maillot du Mali pour afficher mes origines, sinon les Maliens ne reconnaissent pas leurs enfants. Il existe assez de jeunes maliens dans différents sports, mais qui ne sont pas forcément connus au Mali.
Quels sont vos projets pour votre pays d’origine le Mali ?
Il nous reste deux mois de compétition. Après ça, j’irai en vacances au Mali, comme j’ai l’habitude d’y aller pour saluer la famille. Mon projet Inch’Allah, c’est de voir comment les Maliens peuvent rentrer.
Par Dramane COULIBALY